Note de margaux meyer
C'est en relisant pour la deuxième fois le "journal d'un jeune égaré en Afrique" écrit et vécu par mon père en 1983, que j'ai décidé de le mettre en scène en 2010.
Une aubaine pour moi, sa fille, de trouver, dans ce récit honnête et violent, matière à construire ma première création.
2015 - Virage à 180°
La rencontre avec Julien Cottereau, fût déterminante pour la reprise de ce spectacle...
J'ai découvert Julien au cirque du soleil, dans "Saltimbanco"il y a 15 ans.
Son intelligence, sa poésie et sa perspicacité m'ont profondément touché.
Je me retrouve dans son univers, à la fois lyrique et onirique, cherchant à s'affranchir de la pesanteur d'une réalité souvent impitoyable.
Nous sommes en 1983. Mon père a 26 ans, fraichement diplômé de sa licence de journaliste.
Il veut vivre dans les mots.
Mais les mots ne "paient" pas. Un jour, un "pote" l'appelle. Il lui propose un "boulot" de VRP bien payé.Sa mission: Vendre les mérites de la carte American Express en Afrique, dans les pays les plus reculés, les plus pauvres, offrant aux touristes fortunés l'opportunité de payer avec la "gold card".
Une carte en plastique coloré
De l'argent
Un slogan "La carte American Express, ne partez pas sans elle."
Toute une hiérarchie capitaliste, moderne, absurde et ridicule réduite à un morceau de plastique, symbole monétaire de notre richesse occidentale.
L'argent devient une marque."Pour ne perdre mon âme, c'était vital pour moi d'écrire, sur ce que je ressentais, ce que je vivais. J'étais en quelque sorte le reporter de l'intime." Jean-Pascal Meyer. La lecture de ce récit m'a très vite suggéré des couleurs, des tableaux, de la poésie, de l'humour, de l'ironie, de la moquerie...J'ai su tout de suite ce que je voulais. J'ai senti que je pouvais offrir à ce texte un champ d'expression renouvelé.
Le narrateur se débat avec sa culpabilité, dans un monologue intérieur qui le consume doucement.
Le thème est délicat.
Aux côtés de notre "pauvre" vendeur de l'Amex, égaré sur la terre Africaine, le spectateur peut
passer de la colère à la moquerie, en passant par la frustration, pour terminer sur une note plus
colorée...Il finit par le comprendre, ou le plaindre... Pour ne pas laisser notre voyageur comme les spectateurs seuls, j'ai choisi d'inventer deux personnages totalement lunaires pour l'accompagner.
Ces deux personnages représentent l'innocence africaine face à ce monde capitaliste qui débarque dans leur vie. Ils communiquent dans un charabia personnalisé et vivent en dehors du temps. Ils sont là pour animer son voyage, le rendre poétique, léger et chaleureux.
En quelque sorte ils lui servent de guides.
Le coeur de de cette histoire prend toute sa force au moment où notre jeune VRP croise le chemin d'un adolescent africain, sur un bateau de fortune. L'échange est à la fois drôle, amer et douloureux, empreint de sarcasme occidental, mais s'achevant sur un repentir bouleversant.
Nous sommes face à la confrontation de deux échelles de valeur. Le spectacle harmonise ces différences, au-delà de nos préjugés, s'appuyant sur cette rencontre improbable.
Une pièce dans laquelle s'entremêle mime, jeu, poésie, musique, ombres chinoises...
J'y exploite cette étonnante qualité africaine, consistant à recycler le moindre objet, même le plus
insignifiant, pour le déguiser, le malaxer, le tordre bref, le réinterpréter pour une toute autre
utilisation.
Ainsi, nos deux compères ne verront aucun inconvénient à voyager dans un caddie, qui deviendra tour à tour bateau, avion, pouss-pouss, inventant des instruments de musique à partir d'objets recyclés, les métamorphosant en fonction de leurs besoins...
Le caddie se transformera alors en maison.
Le titre de la pièce "Très chère Afrique", trouve son sens dans l'hommage ainsi fait à la générosité de cette Terre, si proche et pourtant si mystérieuse, si fragile, si forte et si intime.
TRÈS CHÈRE AFRIQUE…
Margaux, comment vous est venu l’idée de monter
ce spectacle ?
- Le spectacle que je mets en scène est une adaptation des textes de mon père tirée de ses récits «Journal d’un jeune égaré en Afrique» écrits en 1983.
Il est alors âgé de 27 ans.
Lorsque j’ai relu ses écrits, j’ai trouvé qu’il y avait une matière théâtrale sous-jacente à exploiter, dans cette exigeante question inassouvie, dans ce cri de jeune adulte, dans cette éternelle
frustration de l’Homme incompris de lui-même.
Il y a tant de choses à dévoiler, à arborer, à jouer, à se moquer dans le thème qu’il aborde.
Le thème peut paraître d’une banalité affligeante, bien que dénué de toute simplicité, j’ai nommé : la culpabilité.
Vaste sujet...
De quoi parle la pièce ?
- L’histoire de la pièce peut paraître incongrue: un jeune homme de 27 ans travaillant à «l’American
Express», est envoyé en Afrique, à Freetown, en Sierra Leone pour vendre la carte «American
Express». Arrivé là-bas, le narrateur rencontre un jeune Sierra Léonais qui le considère comme le messie venant du Paradis. La pièce se déroule autour de cette rencontre où le narrateur est embarqué dans une spirale psychique qui l’emmène dans un monologue intérieur à la fois frénétique, absurde, humain et dérisoire. Rongé par la culpabilité, il ne va pas cesser de se débattre dans sa question; il se demande si sa place de jeune européen beau et riche est ici, si sa vie n’est pas plus dérisoire que celle de l’interlocuteur qu’il a en face de lui, s’il ne serait pas plus heureux à sa place...
La pauvreté lui fait peur, elle le renvoie sans doute à ses propres angoisses inconscientes.
Cependant il est là pour une mission concrète, définie et aberrante: vendre l’Amex en Sierra Leone; après tout, si l’Afrique ne voulait pas être contaminée par cette nouvelle mode de paiement, elle n’avait qu’à bien se tenir; pourquoi n’a t-elle pas inventé «l’African Express»?
Dans quelle atmosphère allez-vous emmener le spectateur ?
- Dans ce voyage, j’ai choisi de mettre en avant la fragilité du narrateur, son désoeuvrement infini
face à cet adolescent Africain.
Ce spectacle s’engage dans la poésie, la fragilité, la légèreté qui contrastent avec le sarcasme et la violence du texte. Les deux autres personnages vont tenter d’aider le narrateur à se moquer de lui-même, à rendre absurde les situations dans lesquelles il se perd tout seul.
Une tempête sous un crâne, ponctuée de vidéos d’ombres chinoises entrainent le narrateur dans un cercle infernal.
Trois personnages en quête de vie saupoudrés de tendresse, d’amitié, de culpabilité et d’humour... »
Photos tirées des premières programmations de Très Chère Afrique avril -mai 2016, & les nouvelles images.
et photos du dernier spectacle de Julien , Lune Air : ces 2 spetacles seront présentés à Avignon .
Première rencontre des artistes en résidence expérimentale artistique